top of page

Vivre et accompagner l’effondrement autistique

Il arrive parfois qu’un enfant se mette soudainement à hurler, se frapper, s’isoler, ou qu’un adulte reste figé, regard vide, comme déconnecté du monde. Ces comportements, souvent mal compris, sont des formes d’effondrement autistique : meltdown, shutdown, voire burnout dans les formes les plus prolongées.


Pour beaucoup de personnes autistes, c’est une réalité régulière. Et pour ceux qui les entourent, c’est souvent un mystère, parfois même un sujet de jugement.

ree

Qu’est-ce qu’un effondrement autistique ?


Le terme désigne une perte soudaine et involontaire de contrôle liée à une surcharge émotionnelle, sensorielle ou cognitive. On distingue notamment :

  • Le meltdown : une réaction visible, intense, souvent bruyante. Cris, gestes brusques, agitation extrême, pleurs, voire comportements auto-agressifs. C’est le trop-plein qui déborde.

  • Le shutdown : une forme plus silencieuse, où la personne “s’éteint”. Retrait, mutisme, lenteur extrême, immobilité… Ce n’est pas moins douloureux, c’est simplement moins visible.

  • Le burnout autistique : une forme d’épuisement profond et prolongé, causée par une accumulation de stress et de masquage social. On observe une baisse globale du fonctionnement, parfois durable.


Ces phénomènes ne sont pas des crises de colère. Ils ne sont ni volontaires, ni manipulatoires. Ils traduisent une incapacité à continuer à faire face, après un effort souvent invisible de régulation.


Quand tout prend sens...


C’est en me formant à la psychopédagogie, puis à l’accompagnement des personnes autistes, que ces notions m’ont été présentées pour la première fois. À ce moment-là, j’étais déjà en train de mettre des mots sur mon propre fonctionnement, suite à un diagnostic posé tardivement. Et là, tout s’est éclairé : les larmes inexpliquées, le besoin vital de silence, les moments de retrait. Tout comme chez mes enfants : leurs cris, leurs replis, leur agitation soudaine, que tant de gens jugeaient. Comprendre, c’est commencer à normaliser.


Mais cela ne suffit pas à apaiser les remarques de l’entourage : « Pourquoi elle se braque comme ça ? », « Pourquoi il regarde dans le vide ? », « Pourquoi vous le laissez crier, hurler, se frapper ? ».

Et ces phrases, qui semblent bienveillantes mais sont souvent lourdes de sous-entendus : « Vous êtes très patients, je ne sais pas comment vous faites… », « Il se tape pour attirer votre attention. »

C’est là qu’intervient le fossé entre ce qui est vu : un comportement. Et ce qui est vécu : une tentative de survie.


Pour moi, les signes avant-coureurs d’un effondrement sont devenus reconnaissables avec le temps :

  • une grande fatigue émotionnelle,

  • des larmes soudaines,

  • une difficulté à maintenir le “masque social”,

  • un besoin impérieux de silence, de retrait.

Petite, c’était différent : je pouvais me faire mal sous mes manches de pull, non pas pour choquer ou manipuler, mais parce que je ne savais pas faire autrement.


ree

Au cabinet, j’observe cette diversité dans les réactions d’enfants et d’adolescents :

  • certains vont s’agiter, crier, sauter, se mordre, se cogner la tête,

  • d’autres vont s’immobiliser, devenir silencieux, désengagés,

  • chez certains, le stimming (auto-stimulation répétitive) s’intensifie.


L’effondrement peut prendre mille visages. Il n’est jamais identique d’une personne à l’autre.


Peut-on repérer cela dès la petite enfance ?


Chez les très jeunes enfants, on ne peut pas parler de meltdowns ou de shutdowns à proprement parler. Mais certains signes peuvent alerter sur une hypersensibilité, une difficulté de régulation ou une réponse atypique aux stimulations :

  • pleurs prolongés, inconsolabilité,

  • réactions extrêmes à certains sons, textures, lumières,

  • grande difficulté à s’apaiser seul ou à supporter les transitions.


Ce sont des signaux qui méritent attention, mais qui ne permettent pas à eux seuls de poser un cadre ou un pronostic. Certains bébés peuvent montrer ces signes sans être TSA. D’autres, autistes, peuvent ne rien laisser transparaître à cet âge. La vigilance ne doit pas se transformer en inquiétude systématique.


Ce que dit la littérature ?


Même si les effondrements autistiques sont connus des personnes concernées depuis longtemps, la recherche scientifique commence seulement à les explorer sérieusement.

  • Une étude qualitative menée auprès de 32 adultes autistes montre que les meltdowns sont vécus comme des pertes de contrôle soudaines, provoquées par une surcharge sensorielle, cognitive ou émotionnelle, avec une altération temporaire des fonctions exécutives.

  • Une autre étude décrit les shutdowns comme des états de retrait marqués par une désactivation comportementale, souvent mal interprétée car silencieuse.


Mais à ce jour, il n’existe pas de chiffres épidémiologiques solides sur leur fréquence. La variabilité est immense. Ce que ces études confirment, c’est que ces épisodes ne sont pas des crises “volontaires” mais des réactions de survie.


Changer de regard pour mieux accompagner


Il n’y a pas de recette miracle pour “prévenir” les effondrements. Mais on peut apprendre à mieux les repérer, à les anticiper, à les accompagner. Cela commence par une posture : ne pas juger ce que l’on ne comprend pas, ne pas interpréter trop vite ce qui, souvent, n’a rien de rationnel dans son expression mais beaucoup de sens dans son origine.

Et puis il y a ceux qui veulent aider (sincèrement, avec de bonnes intentions) mais qui, faute de repères, peuvent faire pire que mieux. Proposer de “calmer” quand le système nerveux est déjà à saturation, parler alors que le silence est vital, contraindre alors que le corps a besoin de retrait... C’est fréquent, et ce n’est pas de la malveillance. C’est le reflet d’un manque de compréhension, pas d’un manque d’amour.

Dans mon travail, j’accompagne des enfants, des adolescents, des adultes, des familles, et je vois à quel point le changement de regard peut tout transformer. Créer un environnement où la surcharge est identifiée, où les signaux faibles sont reconnus, où l’on peut dire : “tu as le droit d’aller dans un endroit calme”, “tu peux t’éloigner”, “je suis là quand tu seras prêt”, c’est déjà immense.

Comprendre l’effondrement autistique, c’est s’ouvrir à une autre manière de vivre le monde. Et ça commence, souvent, par écouter ceux qui le vivent.


Fatigomètre sensoriel et émotionnel - Effondrement autistique
€2.00
Acheter

Sources utilisées : Petty, S. et al. (2023). Autistic adults’ experiences of meltdowns, disponible sur PubMed : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36632658/ ; Sedges, E. et al. (2024). Shut down and disconnect: understanding shutdowns in autistic adults, publié dans le Journal of Autism and Developmental Disorders : https://www.liebertpub.com/doi/10.1089/aut.2024.0193 ; Raymaker, D. M. et al. (2020). Having All of Your Internal Resources Exhausted Beyond Measure and Being Left with No Clean-Up Crew: Defining Autistic Burnout, Autism in Adulthood, 2(2), 132–143 : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8595127/ ; Attwood & Garnett (2023). Autistic burnout – Latest research findings : https://www.attwoodandgarnettevents.com/blogs/news/autistic-burnout-latest-research ; Leicestershire Partnership NHS Trust. Meltdowns and Shutdowns : https://www.leicspart.nhs.uk/autism-space/health-and-lifestyle/meltdowns-and-shutdowns/ ; UC San Diego Autism Center of Excellence. Early signs of autism : https://neurosciences.ucsd.edu/centers-programs/autism/early/signs.html

 
 

LE CABINET

Les Ateliens

3 rue du plateau

77400 Lagny sur marne

HORAIRES

Du lundi au samedi

9h - 12h et 13h - 17h

logo copyright

NOUS CONTACTER

Logo partenaire psychologue.net
image de Docorga

© 2024 Adèle wistrand - Innomentis CGV

bottom of page