Quand les stratégies s’essoufflent : TDAH, TSA et réajustements professionnels chez les femmes
- Adèle Wistrand
- 10 nov.
- 3 min de lecture
Certaines femmes ont passé une grande partie de leur vie à tenir debout grâce à des stratégies invisibles. À force de planifier, d’anticiper, de performer, elles ont réussi à naviguer dans des environnements exigeants, souvent sans que personne, (pas même elles) ne mesure pleinement le coût de cette adaptation permanente.
Ce phénomène est aujourd’hui mieux connu et décrit dans la littérature scientifique, notamment dans les travaux de Sandra Kooij, psychiatre néerlandaise spécialiste du TDAH adulte. Elle met en lumière la façon dont ces mécanismes de compensation peuvent masquer les difficultés pendant des années, jusqu’à ce qu’un jour, les équilibres se fragilisent.

Des compensations qui fonctionnent… jusqu’à un certain point
Le TDAH et le TSA féminins sont souvent sous-diagnostiqués ou diagnostiqués tardivement.
On estime que près de 80 % des femmes concernées ne sont pas identifiées dans l’enfance. Elles développent alors des outils très élaborés pour répondre aux attentes scolaires, sociales ou professionnelles :
une hypervigilance permanente,
une organisation extrêmement fine (parfois au prix d’une charge mentale colossale),
une capacité à anticiper et à surcompenser,
une forme de “camouflage” ou de masking, plus marquée dans les TSA.
Pendant des années, ces stratégies donnent le sentiment que « tout va bien ». Elles fonctionnent… jusqu’au moment où la réalité quotidienne (responsabilités familiales, pression professionnelle, changements hormonaux ou simplement fatigue accumulée) les met à rude épreuve.
La rupture silencieuse
Ce basculement n’a rien de spectaculaire. Il s’installe souvent en douceur, presque à bas bruit. Des signes apparaissent :
une fatigue qui ne se résorbe plus,
des oublis ou des décrochages inhabituels,
une perte de clarté, de fluidité mentale,
une impression de ne plus “tenir” comme avant.
Ce n’est pas un manque de volonté. C’est l’usure d’un système de compensation mobilisé depuis parfois des décennies.
Un impact direct sur la vie professionnelle
Ce moment charnière a des conséquences fortes dans le monde du travail :
perte de repères, sentiment de décalage avec les autres,
surcharge cognitive, parfois jusqu’au burn-out,
baisse de confiance et remise en question profonde,
difficultés à maintenir un rythme qui semblait autrefois « naturel ».
Beaucoup de femmes arrivent alors à un carrefour professionnel : continuer à “tenir”, au risque de s’épuiser davantage, ou ouvrir une nouvelle étape, plus ajustée à leur fonctionnement réel.
Le bilan de compétences comme levier de réalignement
C’est souvent à cette période qu’un bilan de compétences prend tout son sens. Pas dans une logique de rupture brutale ou de reconversion systématique, mais comme un espace de lucidité, de compréhension et de réajustement.
Un accompagnement bien construit permet de : faire émerger ce qui a été compensé pendant des années, identifier les forces et besoins réels derrière les stratégies, repenser l’équilibre entre performance, énergie et alignement personnel, ouvrir des perspectives professionnelles compatibles avec le fonctionnement neuroatypique.
En psychopédagogie comme en coaching de carrière, ce travail est souvent libérateur : il permet de retrouver une marge de manœuvre, là où il ne restait que de la contrainte.
Et si c’était le moment de se réaligner ?
Parler de TDAH et/ou TSA chez les femmes, ce n’est pas coller une étiquette : c’est reconnaître une réalité largement invisibilisée, documentée scientifiquement mais encore trop peu prise en compte dans les trajectoires professionnelles.
Si vous vous reconnaissez dans ce parcours fait de performance silencieuse et de fatigue grandissante, sachez qu’il existe des chemins d’ajustement, des accompagnements pensés pour comprendre, réorienter ou simplement remettre du sens.
Oser comprendre, c’est souvent la première marche vers une trajectoire plus juste.














